Command and Conquer : Tiberian Sun
Suite Oubliée à tort #1

Type de jeu
La même chose que Command & Conquer premier du nom, mais plongé dans un seau de goudron, séché avec du charbon, et étanchéifié avec de la matière noire, pour en faire un truc bien bien dark.
Date de sortie sur nos machines
Août 1999. Avant Age of Empires 2, après Total Annihilation : Kingdoms. Avant WarCraft III, mais après Dune II, quand même. Faut le savoir, hein.
Développeur
Westwood Studios Inc., nom qui me donne encore quelques frissons de bonheur, si prononcé dans les bonnes conditions. Tragiquement disparu en 2003, absorbé par l’ogre EA, tout comme son ancienne compagnie mère, Virgin Interactive Entertainment, snife snife.
éDITEUR
Electronic Arts Inc. Ça allait encore en 1999 chez eux, ou la boîte avait déjà basculé de l’autre côté de l’enfer ?
C&C Tiberian Sun : disponible sur Steam via EA Play, ainsi que dans le Bundle Command & Conquer, the Ultimate Collection (je conseille vivement ce dernier choix).
Le tout premier Command & Conquer m’a rendu fou des jeux de stratégie. À moins que ce ne soit Warcraft II. Mais euh, partons sur Command & Conquer, je vais moins galérer à faire le lien. Sa première “suite”, Red Alert, m’a fait saliver jusqu’à sa sortie, puis m’a procuré de longues heures de bonheur pur. Pourtant, il lui manquait une petite touche de magie, perdue au profit d'autres choses vachement bien, mais une minuscule touche d'atmosphère en dessous de son prédécesseur. Avec Tiberian Sun, située dans la même timeline que le tout premier C&C, j’aurais pu retrouver cette mise en scène si parfaite. Du moins, j’aurais dû me jeter dessus comme un ex-végétarien sur son premier poulet rôti depuis dix ans. Je n’en ai rien fait, et aujourd’hui encore, cette lacune dans mon parcours vidéoludique me laisse toujours perplexe. Qu’a-t-il bien pu se passer ?
L’impensable mise à la réserve

Les responsables pourraient s’appeler Heroes of Might and Magic III, hormones bordéliques de l’adolescence, envie de vivre dehors plutôt que vissé devant l’ordi, argent dépensé dans les fringues de skateur à la mode et les bières premier prix, plutôt que dans les CD-ROM compatibles Windows 95. Dois-je regretter de ne pas avoir troqué mes sorties en roller à la plage, mes parties interminables de HoMM III, mes premières soirées alcoolisées, et mes râteaux avec les filles contre des sessions de Command and Conquer 2 ? Pour le bien de ce texte, bien sûr que oui ! Mais en toute sincérité, euh… oui aussi ?
Quelle ambiance !

Si j’ai bien compris nombre de réclamations à la sortie du remake de Command & Conquer et Red Alert 1 en 2020, Tiberian Sun posséderait la plus grande fanbase de la franchise. La plupart des commentaires Steam tournaient en boucle “À quand le tour de Tiberian Sun ?”, “On s’en fout de C&C 1, sortez-nous le 2 !”, “Pas de remake de Tiberian Sun ? Bande de raclures de merde, je vais cramer vos baraques et assassi…” Bon, pas la peine d'en lire plus, j'imagine que les plus gros amoureux de Tiberian Sun ont leur manière bien à eux de partager leurs sentiments. Pourquoi tant de passion, alors ? Peut-être parce que niveau ambiance, déjà, rien à voir avec le premier. Ça donne dans les ténèbres plus ténébreuses que les ténèbres elles-mêmes, aussi bien au niveau du scénario que dans la direction artistique. Si l’on retrouve avec joie les cutscenes entre chaque mission, le budget qui leur a été alloué me paraît bien plus conséquent.
Elles restent marrantes malgré elles, surjouées et un peu nulles, mais plus autant qu’avant. Dommage. Et on commence à y voir des têtes connues, James Earl Jones et Michael Biehn, notamment. Je pense que j’aurais adoré cette version plus mature de l’un de mes jeux préférés de tous les temps. Ça aurait collé avec mon attitude pseudo-rebelle du moment. “Le jeu il a tout compris à ce qu’endurent les ados, tu vois ? Pas comme ma daronne, quoi !” Mais parlons contenu, maintenant ! La première question qu’on se pose, lorsque l’on découvre un nouveau RTS : “Y a quoi comme nouvelles unités, bon sang d'bombe d'obus d'bois ?” Oui, on se pose tous cette exacte question. De ce point de vue, il y a de la voile mi-figue et de la vapeur mi-raisin. L’infanterie lanceuse de disques explosifs ? J’y réagis avec une moue interrogative. Pourquoi des disques ? Les machins au fond du casier d’athlétisme au collège, là ?


Tant qu'à faire dans le sport, envoyez carrément des joueurs de rugby avec de la nitro dans les poches. Le bombardier ORCA ? Mouais, il existait pas déjà avant, lui ? Si, mais avec des roquettes, pas avec des bombes. Par contre, le Disrupteur avec son onde destructrice, carrément qu'il déchire ! Même que j'avais vu une image de lui dans un magazine, une cinématique où on découvrait tout son potentiel. Enfin j'imaginais découvrir son potentiel via ce seul screenshot de six centimètres sur quatre. Bah j'avais raison. Quoi d'autre ? Le champ de force autour des murs ? Allez lààà ! La banshee ? Trop morteeeeeeel ! Surtout qu’on retrouve les légendes d’autrefois, comme le tank furtif ou l’obélisque de lumière, ou des mythes remis à neuf.
Adieu le tank mammouth, bienvenue à l'énorme quadrupède équipé de double railguns, baptisé Mammoth Mark II. Voilà de quoi s'amuser à écraser les pauvres mitrailleurs à pied que l'on pourra toujours faire sortir de force de leur caserne, malgré leur obsolescence encore plus flagrante qu’auparavant. Un subtil mélange de sang frais et de familier, présenté via une interface revisitée. Le contraire aurait posé problème, même si j'adorais les immondes portraits des unités dessinés au doigt trempé dans la vase. Deux campagnes haletantes et fournies nous laissent le temps de nous familiariser avec tout ça, en suivant le même modèle que les opus précédents. la mappemonde qui change de couleur au gré des missions sur fond de musique angoissante, oh la la la ! Le Dessous des Cartes en plus sombre, donc en beaucoup mieux.


Kane, le grand méchant increvable qui a toujours trois coups d’avance sur le reste de la planète, joue à nouveau les trouble-fête. Le tibérium, cette plante d’origine extra-terrestre qui m'a fasciné depuis la première mission du premier C&C, s’érige en grande menace mondiale. Comme les deux fois d'avant ? Exactement ! Mais encore pire. On ajoute un peu de mutants et de cyborgs à l’intrigue, des technologies mystérieuses venues de l’espace (mais pas arrivées en même temps que le tibérium, parce que fallait faire original), et on obtient un meilleur film que la plupart des productions SF de l’Histoire du cinéma. Et en plus, on nous laisse diriger les acteurs, gérer les effets de lumière et tout ! Yep, je crois inventer l’eau chaude en mansplainant le concept d’interactivité.
Certes, on va surtout massacrer deux cents figurants par heure sans cligner des yeux, pas très pro. Mais victimes agonisantes mises à part, on frise la perfection, j’ai pas raison ? En fait non, loin de là. Malgré toutes ces améliorations, notamment graphiques, je trouve l’ensemble moins précis et sacrément plus brouillon. Les unités minuscules, les cartes sur lesquelles on a collé un filtre à UV indice 150… ça change des gros machins pixélisés, mais au moins on savait où on cliquait, en l’an de grâce 1995. Bon, j’étais encore jeune lors de la sortie de Tiberian Sun, j’aurais su m’adapter en quelques minutes, sans aucun doute. Il n’empêche que là-dessus, le charme se perd, mes aïeux. J'en perds mon curseur, impossible de micro-gérer quoi que ce soit dans ce marasme !

The Tiberian Dark XxX Shadow XxX Depressed Sons
Cette fois-ci, Frank Klepacki a rangé ses grosses guitares pour composer une bande-son qui colle parfaitement au thème post-apocalyptique du jeu. Il nous prouve par ailleurs sa versatilité et confirme son talent déjà trois fois validé par le passé, peu importe le style musical dans lequel il puise. Oui je l'aime bien, je n’arrive pas à lui trouver de défauts, tant pis pour la critique objective. Vous ne lirez rien qui ne le déprécie d’une quelconque façon ici. Le même mot me revient toujours au visage à chaque minute de l'O.S.T. qui s'écoule : sombre, sombre, toujours plus sombre. Bouh, mais qu’est-ce que c’est sombre ! Eh, mais j’adore, pas de critique des compos de Frank, j’ai dit. On vogue entre ambient déprimée et électro industrielle polluée, ça rappelle même Starcraft, parfois, dans son aspect le plus sombre ! Du style petit Marine abandonné sur une planète saturée d'hydralisks. On oublie la coolitude et l’insouciance, on gagne en maturité et en badasserie. Vu qu’on parle de guerre mondiale à base de chars ultra futuristes et de bombes chimiques, je peux comprendre le choix artistique. La cohérence du premier en prend un coup, vu qu'on lançait des missiles nucléaires par grappes entières au son d’un R’n’B calibré pour les soirées à Pattaya. Finalement, on se la raconte toujours autant, mais plus de la même façon. Au moins, la guerre c'est toujours cool, mais c’est mal aussi, maintenant. Bonne nouvelle !
Regretté Broyage de noir
Bien sûr que j’aurais adoré ce jeu étant gosse. Cela dit, Heroes III a accaparé une telle quantité de mon temps libre à sa sortie, que même si j’avais fait l’acquisition de Tiberian Sun, je n’aurais sans doute pas passé des centaines d’heures dessus non plus. Je comprends l’engouement des fans, cela dit, surtout s’ils n’ont pas connu les deux jeux plus anciens de la franchise. Je n’aurais pas cru tomber sur un titre aussi crépusculaire ; je m'attendais plutôt à retrouver les délires potaches de Red Alert. Mais au final, je préfère le virage opéré par Westwood (brrrrr, frissons). À l’aube de l’an 2000, il n’y avait pas meilleure chose à faire pour illustrer ce “mélange de peur et d’excitation” suscité par le passage au millénaire suivant. Ouais, j’ai piqué la citation à la série Space Force, je la trouve tellement parfaite.

Évidemment, aujourd’hui, je reste de trèèèèèèèès loin plus attaché au cocktail improbable de Tiberian Dawn. Mais j’aurais peut-être un avis différent si j’avais tenu le second opus entre mes mains sur le moment. Franchement, ils auraient fait la promo en jouant sur l’affect des ados, à base de messages du style :”COMMAND & CONQUER : SOLEIL DE TIBERIUM (l’annonceur crie avec une grosse voix) ! Le jeu de stratégie qui te comprend mieux que tes propres parents ! Pulvérise ta dépression par la GUERRE ! Un conflit qui te rendra ta JOIE DE VIVRE !” Là, j’aurais acheté direct sans hésiter.