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Dungeons and Dragons :
Warriors of the Eternal Sun

Jeu Super Obsédant #2

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Type de jeu

Quête épique sans queue ni tête, vue à peu près du dessus, codée avec les pieds, et pourtant géniale malgré tout.

Date de sortie sur nos machines

Août 1992 aux USA, mais personne n’a l’air de connaître le mois de sortie en France. Pauvre petite cartouche mal aimée.

Développeur

Westwood Associates. Quand j’ai fait le rapprochement avec Command & Conquer des années plus tard, j’en ai eu des frissons de bonheur.

éDITEUR

Sega Enterprises Ltd. Et euh, bah ça va, on connaît je crois.

Warriors of the Eternal Sun : disponible sur... absolument aucune plateforme officielle. Je m'en doutais, quelle ingratitude.

Pour une fois, je me souviens très bien comment j’ai obtenu ce jeu. Je faisais les courses avec ma mère dans le super méga grand Auchan du Havre (celui qui vend le plus de Pastis en France, en tout cas qui en vendait le plus dans les années 90/2000), un soir de semaine. Peut-être a-t-elle eu pitié de me voir si désespéré dans ce magasin rempli de bouffe et de machines à laver, elle m'a en tout cas autorisé à choisir la cartouche de mon choix, à condition qu’elle ne dépasse pas les cent francs. Après avoir fouiné quelques minutes en mettant de côté les hits à presque deux cents balles, j’ai trouvé un truc dans les quatre-vingts cinq francs. L'image sur la boîte arborait un fier guerrier s’apprêtant à combattre un dragon (ou se faire croquer sans rien voir venir, au choix). En tant que gamin qui vivait plus dans sa tête que dans le monde réel, ce design éculé a direct tapé dans la section hypance ultime de mon cerveau. J'ai couru dans ma chambre et allumé la console sitôt rentré à la maison. Ce que je découvrais dans la télé n’avait rien à voir avec le joli dessin sur lequel j’avais flashé.

Le vrai prix des bonnes choses

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J'ai même trouvé ça super moche. Bien que j'aie failli le laisser tomber dix minutes après son achat, j'ai consenti à lui donner une petite chance. La petite chance a évolué en scotchage total jusqu'à mes quinze ou seize ans sur cet étrange objet vidéoludique, comme un papillon de nuit scotche sur un vieux lampadaire de camping en Ardèche (sans manquer de respect aux Ardéchois). Et tout seul en plus. Parce que ni mes potes, ni ma sœur, n'ont jamais réussi à transcender leur dégoût pour les graphismes. Je ne leur en veux pas. Je les remercie, même, tant j'ai adoré m'embarquer en huis clos dans cette aventure. Ah si ! Nelson et Mortimer Paprika, mes voisins méga sympas, ont bien voulu essayer, eux. Ils m'ont même débloqué ma sauvegarde alors que je tournais en rond depuis des jours sans avancer. J'ai dû leur prêter pendant un temps, mais en échange, j'ai eu droit à Dragon’s Fury alors… je n'ai pas trop chouiné.

Fascination numéro 1

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Sans hésiter, l’aspect “jeu de rôle” m’a foutu dedans, comme dirait l’autre. Je ne le savais pas encore, mais je mettais la main sur mon premier vrai RPG. La formation de l'équipe, la progression des personnages, le gain de niveau, l’achat ou le loot de meilleur équipement, l’apprentissage de nouveaux sortilèges... Mon petit cœur de geek infantile n'a pas résisté à l'émotion. Ce jour-là, j’ai commencé à classer les jeux en deux catégories : ceux dépourvus de système évolutif (qui ne méritent que peu d’attention de ma part) et les autres (qui ont droit à tout mon amour et à mon temps libre). L'idée de porter un scénario de l'univers de Dungeons & Dragons sur console m'a paru incroyablement géniale. En pratique, ça se complique, avec des mécaniques bancales, et des features qui ne fonctionnent qu’à moitié. Il existe des dizaines de manières de venir à bout de l'histoire en exploitant des failles dans le gameplay.

On peut littéralement lancer un seul sort, gratuit et illimité, et ne jamais se faire toucher une seule fois de tout le jeu. Tandis que les trois-quarts des pouvoirs magiques à débloquer ou découvrir ne servent à rien. Pourtant, je me suis éclaté tout du long, probablement parce que je n’avais encore jamais testé de RPG de ma vie. C'est sur Warriors of the Eternal Sun que je me suis familiarisé avec le schéma  “démarre la partie en guenilles, galère contre des couleuvres à collier, et termine-la en découpant des hydres et des géants de feu les yeux fermés, avec un seul doigt.” En 1992-93, rien ne m'a paru plus enthousiasmant, pas même les cartes Dragon Ball qui volaient partout à travers la cour de récré. On déplace notre groupe de valeureux soldats à travers une grande région en vue isométrique.

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On voit les monstres et on peut les éviter, si on veut. Si on s'approche trop, un combat au tour par tour démarre. En toute logique, on devrait envoyer notre guerrier en armure se taper au corps-à-corps avec les monstres rencontrés, permettant au mage et autres faiblards de faire de la magie, ou je sais pas quoi. Mais cette technique des plus logiques restait bien trop dangereuse pour mon caractère de pleutre. J'ai assez vite compris que n'importe qui pouvait équiper une arme à distance, et qu'en se planquant un tout petit peu, on arrivait à canarder les ennemis sans aucun enjeu. Ben oui, les bestioles s’avéraient trop bêtes pour contourner un buisson camouflant à peine quatre abrutis armés de lance-pierres.

L’autre facette du gameplay se passe dans des grottes en temps réel, à la première personne, type Dungeon Crawler, Lands of Lore like, auquel il ressemble pas mal (normal, ça vient des mêmes studios). Là, on ne fait plus les malins ! Car plus moyen de se protéger derrière des fougères. Si un monstre arrive de derrière, on l'entend seulement une fois qu'il est trop tard, quand il a commencé à nous dévorer. Pire encore, on ne peut pas sauvegarder dans les tunnels, rendant la défaite des plus chronophages. Ces expéditions claustrophobiques font partie des moments les plus terrorisants de l’ère 16-bits.

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Beauté Intérieure

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J'ai du mal à l'admettre, mais impossible de mentir sans passer pour un gros fumiste pétri de mauvaise foi : Warriors of the Eternal Sun n’a pas grand chose pour plaire. Graphismes médiocres, potentiel gâché et contenu frustrant. Encore aujourd’hui, je n'arrive pas à expliquer pourquoi j'ai autant adoré, allant même jusqu’à développer une sorte de syndrôme de Stockholm envers lui. Une ambiance particulière, l'envie de terminer l'aventure comme on veut finir un livre, même si je ne captais pas un mot d'anglais… Franchement, j'en sais rien, mais je n'ai pas juste joué à ce jeu. Une énergie surnaturelle m’a poussé à en décortiquer chaque pixel pour essayer de dénicher tous les secrets, comme si ma survie dans le monde réel en dépendait.

Le mélange de clichés RPG à l’ancienne, où un elfe et un mage humain font partie des “classes de personnages”, et de délires abracadabrantesques, notamment la téléportation d’un château entier dans une dimension inconnue où le soleil ne se couche jamais, a donné à ce titre une identité unique, sans doute un peu par miracle. On a beau visiter un marais et une jungle en plus de la région de base, les décors ne changent pas énormément. Ce qui ne m'a pas empêché de me passionner pour l'exploration de la map dans son intégralité. Ni de flipper à fond dans les cavernes, d'ailleurs, où n'importe quel scarabée géant peut ruiner notre périple en bouffant le soigneur de l'équipe.

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Les deux phases s'équilibrent à la perfection, peut-être là aussi grâce à coup de pouce inattendu du destin. Je tentais de me détendre durant les phases en extérieur, et je reprenais des shots d'adrénaline à chaque entrée dans une grotte. Cette dualité m'a rendu accro pendant un paquet d'années.

Les débuts d'un génie

J'adorais déjà l’O.S.T. avant d'apprendre qu'un certain Frank Klepacki l'avait composée. Âgé de seulement dix-huit ans, il intègre Westwood Studios, si j’en crois sa page Wiki. Joli move ! En faisant appel à toute mon objectivité, je peux admettre que parfois, un peu, la musique paraît grinçante et lunaire. Juste de manière illusoire, hein ! Elle annonce malgré tout le potentiel immense du monsieur. À l’image de tout le reste dans Warriors of the Eternal Sun (et dans les Command & Conquer), j'en suis aussitôt tombé amoureux, sans retenue. Même lors des moments un peu ridicules, quand on sent le choix d’instru pas toujours très pertinent, par exemple des guitares très très fâchées, ou un sample de voix particulièrement drôle. Mais pour le reste, on touche à la grâce pure. Si je passais autant de temps à peaufiner les stats de mes personnages sur la page de formation d’équipe, ça tient en très grande partie à la musique qui l’accompagne, et qui me filait le cafard le plus kiffant du monde. Je ne restais pas à glander dans le château juste par peur d'affronter les menaces extérieures, alors que tous les citoyens ne pouvaient plus m'encadrer. Non, je n'en avais jamais assez de ces boucles aux trois quarts dépressives et un quart désabusée. Et que dire du thème de la région qui entoure la forteresse, la première que l'on entend lorsque démarre vraiment l'aventure ? Sa petite flûte traversière qui promet belles découvertes autant que terribles dangers ; une création parmi les plus fabuleuses de la Mega Drive.

Warriors of the Eternal Sun (Mega Drive) - City Theme
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Huit ans de relation

Je me revois gamin, seul dans ma chambre les soirs d'hiver, à faire longer des kilomètres de murs à mes personnages pour espérer tomber sur une grotte cachée. L’exact inverse d’une expérience distrayante, à première vue. Et pourtant, quand je relance le jeu sur émulateur une fois se temps, l'envie de recommencer le même calvaire me reprend. J'ai fait venir ma mère des dizaines de fois pour me traduire les messages en anglais de PNJ totalement inutiles, convaincu que je pouvais influer sur le déroulement de la partie si je résolvais des énigmes qui n'existaient que dans ma tête. Exemple de fantasme: un habitant a perdu son chat.

Je me disais qu’en le retrouvant, le gars me donnerait un objet me permettant de percer un passage dans une caverne qui s’ouvrirait sur un monde encore plus grand… j’en passe et des plus saugrenues. Je lançais des sorts devant des murs infranchissables en espérant creuser une brèche dedans. Je me persuadais que si je me reposais le moins possible (cette action qui permet de récupérer de la vie et de recharger les sorts utilisés), les gens m’apprécieraient et ne me vireraient pas du château. Je m'obstinais à découvrir une zone mystérieuse qui devait forcément exister. Le clerc pouvait lancer un sort pour protéger du froid ! Je finirais bien par trouver la région enneigée ! Et peut-être qu'en faisant ça, j'éviterais au village de se faire détruire ! Nan ? Y a pas de monde glacé ? Eh, les devs ! Bande de raclures de faire espérer un gosse comme ça !

En gros, je perdais mon temps à essayer de voir au-delà du jeu plutôt que d’y jouer. Jamais un titre ne m'a fait effectuer autant d'actions dénuées de sens. Pas même Worms, ou Toejam & Earl, dans lesquels agir n’importe comment aurait suivi une certaine logique. Aussi surprenant que ça paraisse, j’ai toujours tiré une satisfaction incroyable de ces sessions de galère pure. Vous faisiez quoi vous, quand les États-Unis venaient de subir un attentat d’ampleur inégalée, un certain 11 septembre 2001 ? Moi j'en étais à ma douzième partie de Warriors of the Eternal Sun, à faire monter mes persos de niveau en espérant que ça débloque l'arc +2 dans le magasin (spoiler, pas d'arc +2 dans ce jeu, tout comme ce foutu monde enneigé).

Mais le meilleur moment reste peut-être celui-ci : un jour d'été (j'y jouais aussi en été), j'ai laissé traîner la cartouche par terre dans ma chambre. Soleil à travers la fenêtre + tapis de jeu en lino (celui qui représente la ville et les rues, là) = surchauffe maximale. Quand je m'en suis aperçu, j'ai tout de suite lancé le jeu pour voir s'il fonctionnait encore. Et là… le monde secret que je convoitais tant se dévoilait enfin !

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Bon, ma troupe avait atterri en haut d'une montagne inaccessible, comme téléportée là, à combattre des monstres invisibles et ultra forts, tandis que mes guerriers eux-mêmes agissaient sur le terrain alors qu'ils apparaissaient comme morts dans l'interface. Ajoutez à cela des bugs de textures un peu partout à l'écran et voilà ! Impossible de remporter l'affrontement avec les machins inexistants, là. Je crois que dès que le combat se lançait, je perdais automatiquement (vu que mes persos avaient déjà clamsé, logique). Du coup la partie se résumait à débarquer, marcher trois secondes et crever. J'ai réitéré l'opération trois ou quatre fois avant de décréter, la mort dans l’âme, que la cartouche était foutue. Puis le lendemain, j'ai rallumé la Mega Drive et tout avait repris sa place, y compris mes sauvegardes et tout. Comme si j'avais tout rêvé.

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