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Diablo

Jeu hyper FlipPant #2

Diablo, PC, box, cover

Type de jeu

Lente descente aux enfers à grands coups d’épée dans la chair de démon, mais surtout à grandes mandales mentales dans la tête du joueur.

Date de sortie sur nos machines

Janvier 1997, l’hiver le plus flippant de ma life.

Développeur

Blizzard Entertainment Inc. et plus particulièrement Blizzard North, aka le meilleur studio de l’univers, selon mes critères d’appréciation de l’époque.

éditeur

Blizzard Entertainment Inc., distribué en France par un certain Ubi Soft Entertainment Software

Diablo : disponible sur Battle.net évidemment, sur le XBox Game Pass, et sur GOG.com ! Dépêchez vous de le chopper sur ce site, avant que Blizzard ne le bloque aussi !

La scène de la rencontre avec Diablo reste très précise dans ma tête. Je rendais alors visite à mon meilleur pote Randall Geyser, sans doute dans l'optique de passer une journée à nous éclater sur son nouvel ordi, à Duke Nukem 3D ou à Big Red Racing. Mais je sonne à la porte et le gars n'ouvre pas. Au bout de trois bonnes minutes, sa mère me fait entrer, exaspérée, me lâchant à peine un bonjour. Ce devait être l'un de ces jours où elle aurait préféré ne pas me voir, ça lui arrivait de temps et en temps, et elle ne s'en cachait pas. Bref, prêt à râler sur Randall, je débarque dans le bureau où trône le fameux ordi familial, et je m'arrête, subjugué par ce que je vois à l'écran. Je ne lui en ai pas voulu longtemps de ne pas avoir bougé de sa chaise.

Premiers sévices

Diablo, PC, main menu

Comme lui, Diablo m'a happé dès les premières secondes, mettant en scène un personnage qui s’enfonce de plus en plus profond sous terre, dans un décor de plus en plus oppressant, forcé de combattre des monstres de plus en plus effrayants. Beaucoup de gens ont sonné dans le vide, ce jour-là. Sa mère devait jouer à Diablo aussi ailleurs dans la maison (mais en fait non).

Retour sur
niveaux d'expérience

Diablo, PC, Tristram, sorcerer,

Dans cet univers sombre et anxiogène, notre personnage se trouve seul contre tous, à quelques villageois désabusés près. On a vite fait de se mettre à sa place, à craindre pour sa vie comme si on risquait la nôtre, redoutant de tomber sur un démon surpuissant derrière chaque mur, ce qui arrive environ toutes les vingt secondes. On jubile lorsque l’on ramasse une nouvelle pièce d’armure magique qui nous permettra de ne pas mourir au niveau suivant… peut-être. Le hack’n slash venait de naître. Il doit exister une armada de pseudo historiens du dixième art avec un autre avis là-dessus. Ma réponse : Je. M'en. TAPE ! Je suis tombé amoureux du genre ce jour-là, alors il a existé ce jour-là. Que ça tombe dans la définition du mégalomane pervers narcissique n'y change rien. Nan mais franchement ! Jamais je n’avais vu de personnalisation si poussée de notre avatar, puisqu’à chaque niveau d’expérience gagné, on pouvait choisir où dépenser chaque point de caractéristique, entre la force, la dextérité, la vitalité et la magie.

Bon ça, j'en avais déjà entendu parler, notamment dans Warriors of the Eternal Sun. Sans parler des centaines de propriétés magiques associées aux centaines d’armes, casques et boucliers qu’on trouvait dans des coffres, ou sur les cadavres de nos victimes. Jouissif, vertigineux, complètement addictif. Quand tu trouves une Godly Plate of the Whale en tuant une succube que tu as poursuivie à travers tout un niveau, tu te dis que ça vaut le coup d’avoir été mis au monde. Mais en plus, quand je parle d'avatar, il en existe trois différents ! Un guerrier bien fort et bien bête, une guerrière plus agile et un peu moins bête, ainsi qu'un magicien pas bête, mais très frêle. Chacun d'entre eux se trimballe avec une aptitude unique, et un peu oubliable, ainsi que des limitations différentes dans les quatre caractéristiques mentionnées plus haut. Et puis bah, c'est à peu près tout, tout en étant déjà totalement dingue de ouf.

Diablo, PC, catacombs, rogue, maps

Torture psychologique

Diablo, PC, dungeon, inventory

Diablo m'a fait découvrir le hack'n slash, mais il m'a également fait comprendre un truc dans le fonctionnement de mon cerveau qui m'échappait jusqu'alors. L'ambiance joue laaaargement plus que le gameplay dans l'affect que je vais avoir pour un jeu. D'accord, Diablo excellait dans les deux compartiments, ce devient tout de suite plus facile de s'éclater. Mais je pense que je l'aurais lâché au bout de quelques jours si l'atmosphère n'avait pas suivi. Et je n'aurais jamais attendu Diablo II comme le messie virtuel ultime, et j'aurais décrété que je m'en balek total des ARPG, comme on les appelle de nos jours. Et je n'aurais pas raté mes études, et je m'arrête là avant de chialer. Tout ça pour dire que sans cette ambiance de taré, Diablo aurait été un très bon jeu.

Grâce à elle, il a atteint le stade de merveille ultra cultissime dont on ne peut pas se passer avant d’avoir détruit trois ou quatre souris, à force de cliquer comme un demeuré. Un brouillard de tristesse enveloppe constamment le monde déchu dans lequel le personnage évolue. On discute avec les habitants de Tristram, le hameau maudit dans lequel toute cette histoire a commencé (des morts qui se réveillent, des démons qui torturent les âmes des pauvres badauds, un archevêque qui a un peu condamné le monde entier avec ses bêtises, entre autres activités divertissantes), le temps de récupérer entre deux massacres de créatures sanguinaires. Ils tentent bien de s'adresser à nous avec un ton à peu près jovial, mais on sent bien les épaisses couches de déprime là-dessous.

Diablo, PC, hell, lord of terror
Diablo, PC, town portal

Les quêtes annexes, qui apparaissaient aléatoirement lors d’une partie, ajoutaient une touche de noirceur à tout ça. J’adorais particulièrement la quête de l’eau empoisonnée, ou celle qui nous fait affronter des centaines de squelettes entassés dans une seule pièce. Mais quand on quitte l'enceinte faussement réconfortante du village, et qu'on s'enfonce d'abord dans des donjons humides, puis dans des catacombes moisies, dans des grottes constellées de lacs de lave, puis enfin dans les enfers eux-mêmes… là on flippe pour de vrai. Je ne compte plus les fois où j'ai sursauté quand une goule invisible apparaissait devant moi pour me mettre une droite en faisant un bruit de tuberculeux déjà mort depuis trois jours. Ou quand un petit quadrupède charognard me sautait dans le dos, bien caché derrière un sarcophage. Que fait-on dans ces cas ? On hurle, exactement.

Attention, je pars en pilier de bar bourré : en tout cas, Diablo avait tout pour faire de nous des préados capables de survivre dans la vraie société, certes vierge de toute bestiole maléfique, mais vérolée par le capitalisme. Au final, ce genre de titre permet de garder les pieds sur terre de manière plus efficace que, disons… d’autres programmes en apparence mignons mais bien plus traumatisants quand on y pense (on en parle du plombier qui désosse des tortues et leur vole leur argent ? Ou du gentil petit elfe accro aux rubis qui assassine tout ce qui bouge, y compris des poules ?). Plus j’ai joué à Diablo, plus j’ai aimé la vie réelle, la remerciant de ne pas regorger d’horreurs cherchant à m'étriper à tous les coins de rue. Et c'était pas gagné hein ! D'aimer la vie réelle ! Phrase de boomer réac et lui aussi très déprimé. J'aurais eu ma place à Tristram, tiens. D'ailleurs, je m'appelle presque pareil. Oulà ça devient bizarre.

Diablo, PC, hell, succubus

Maestria de l'enfer

Si le gameplay vendait du rêve et les décors promettaient de magnifiques cauchemars, la musique allait plus loin encore. Je considère l’O.S.T. de Diablo comme le tout premier chef d’œuvre vidéoludique que j'aie écouté. Enfin, je veux dire que j'en avais déjà conscience sur le moment, alors que pour tous les autres jeux plus anciens, il m'a fallu pas mal d'années d'introspection. Un grand bravo à Matt Uelmen, qui a su me faire comprendre la beauté de ses compos à douze ans, à une époque où je trouvais que Spaceman de Babylon Zoo n'aurait jamais d'égal. J'avais lu dans je ne sais plus quel magazine un truc du genre “Matt Uelmen, le guitariste maniaco-dépressif”. Bah euh, désolé mon pote, mais je n'ai jamais autant souhaité à quelqu'un de ne pas aller mieux. S'il faut souffrir pour signer des tueries pareilles, ne te soigne surtout pas. J'adore absolument tout dans cette B.O. Certes, ça ne fait toujours que cinq titres et demi à écouter. Son seul minuscule défaut viendrait peut-être de la musique qui accompagne les stages en enfer. Oui, ceux censés nous faire le plus flipper. Au final non, mais le reste… ouuuuuuh ! La guitare faussement rassurante qui emmène le thème du village, les cloches lointaines des donjons, les nappes bourdonnantes des catacombes, les riffs tourmentés des caves… tous magnifient la terreur inspirée par les salles jonchées de cadavres, et les cavernes d'où surgissent des horreurs sans nom. J'aurais pu l’écouter à tout moment, je pense, si j'avais connu un quelconque moyen de le faire. Contrairement à Wipeout ou Heroes or Might and Magic II, les chansons ne se lisaient pas sur une chaîne hi-fi. En tout cas, pas besoin de trancher des zombies et des chèvres garou pendant des heures pour s’attacher à toutes ces perles sonores. Même si on tranche quand même, et que ça nous rend encore plus obsédé par ce qu'on entend. Dès que j’ai un petit coup de blues, je me remets l'un de ces morceaux hyper dérangeants et aussitôt, j’aime la vie de nouveau.

Diablo (PC) - Caves
00:00 / 04:59

Moment de Nostalgie Hantée

Pour avoir le droit de dormir chez Randall, il fallait que ses parents se trouvent dans un bon jour, et qu'en plus, Jupiter soit alignée avec Proxima du Centaure et Aldebaran à la fois. Ça s'est produit quand même, un peu, très rarement. Je n’ai jamais su pourquoi ses parents rechignaient autant à cette idée de laisser des gamins pioncer chez eux.  Bref, un jour, pris d’un accès de magnanimité, ils m’ont enfin donné l’autorisation. On a joué plusieurs heures à Diablo avant de se coucher, bien sûr. Probablement une partie dans laquelle on a ouvert la porte d'une petite salle carrée, laissant apparaître des murs inondés de sang. Puis les mots “Fresh Meat” ont retenti, d'une voix de calcaire broyé. Stress post traumatique garanti. Au milieu de la nuit, Randall s’est mis à parler tout seul, en citant des noms de monstres tirés du jeu, effrayé à l’idée qu’ils montent l’escalier menant à nos petits êtres sans défense. “ Un Overlord ! Un Balrog !” geignait-Il. J’ai tenté de le raisonner, mais il ne répondait pas, comme possédé par son propre cauchemar. J’ai toujours soupçonné qu’il ne dormait pas du tout, et faisait l’idiot en espérant me faire flipper.

Diablo, PC, Butcher, gif

Il adorait me faire des farces de ce style. Sauf qu’au bout d’un moment, je voyais des ombres bizarres se mouvoir dans les marches, et j’ai fini par me planquer sous la couette, la peur au ventre. Des années plus tard, on a reparlé de cette fameuse nuit :”Ma mère devait sûrement ranger du linge”, a-t-il alors déclaré, les yeux dans le vague. Mais, ranger du linge à deux heures du matin ? Sans faire le moindre bruit ? Entre deux étages ? OK, il était peut-être juste onze heures du soir, mais ça ne change rien. Ce mystère restera sans doute non résolu. Peut-être y a-t-il une piste à creuser, afin de comprendre pourquoi ses parents refusaient si souvent de faire dormir des invités.

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