Tony Hakw's Pro Skater 2
Jeu Ultra Cool #5

Type de jeu
Véritable drame de société, responsable de nombreux accidents de skate dans le monde entier.
Date de sortie sur nos machines
Septembre 2000, bah j’ai pas beaucoup regardé les J.O. de Syndey, cette année-là.
Développeur
Neversoft Entertainment, Inc., collectionneur de succès commerciaux, au point de se faire manger par l’ogre Activision.
éDITEUR
Activision Publishing, Inc., l’ogre mangeur de studios à succès en question.
Tony Hawk's Pro Skater 2 : disponible nulle part dans sa version originale. Le remake 1+2 oui, mais 2020 ça arrive dans vingt ans, on est large.
Avec Leyland Lampion, mon meilleur ami d'adolescence, on avait déjà usé le premier opus jusqu'à la moëlle ; si bien qu’on avait décrété qu'on se jetterait sur sa suite avant même d’apprendre son existence. Et connaissant la capacité du mec à obtenir de ses parents le jeu de son choix, au moment de son choix, je n’ai pas été surpris de débarquer chez lui un jour de l'an 2000, et de le voir jubiler sur ce jeu faisant l’apologie de la coolitude par la mise en danger de soi et d’autrui. Véritable bible pour de jeunes lycéens en pleine construction comme nous. Ce jeu nous a servi notre identité sociale sur un plateau, et je ne le remercierai jamais assez pour ça, avant qu'un autre ne le fasse à sa place. Parfois, je me réveille en sursaut et trempé de sueur, en ayant fait ce cauchemar où j'aurais suivi une autre tendance. Par exemple celle d'un PES ou d'un Fifa (j'ai failli en plus, la coupe du monde 98 aidant), ou pire encore, Metal Gear ! Argh ! Call of Duty ! Gargl ! N'importe quel titre sorti de la franchise du Seigneur des Anneaux ! Halo ! Fortnite ! Krrrrrkr ! World of Warc… allez j'arrête avant de faire un AVC. Désolé pour les fans de ces licences. Pas d'embrouille hein, mais restez loin de moi. J'ai joué dix ans à League of Legends, donc je ne vaux pas mieux que vous.
Seconde planche

La gravité n’a pas de pouvoir, ici

À l'époque, quand on parlait encore du vingt-et-unième siècle au futur même s'il avait déjà un peu commencé, on réfléchissait encore en ces termes : rejouer au même titre, agrémenté de quelques features en plus et de graphismes un tout petit peu moins moches, “Ça déboîtait grave de ouf sa mère” ! Citation conservée telle quelle. Un bon paquet non négligeable de suites ressemblaient à des DLC plus ou moins fournis. On nous resservait tout pareil que le jeu précédent, mais en un peu mieux, et en un peu moins cheum. Parfois en beaucoup mieux, comme pour le cas de Tony Hawk’s Pro Skater. Plus de personnages, plus de figures possibles, plus de matos, plus de niveaux, plus de musiques… bien sûr qu’on allait tout recommencer ! Prenez notre argent, bordel ! Enfin, celui de nos mamans. Nous voilà donc repartis pour des heures à s’acharner sur les nouveaux stages, dont celui du skate park de Marseille ! Marseille se situait à l'extrême opposé du Havre, mais on s'en fichait. Il y avait un niveau FRANÇAIS dans un jeu TONY HAWK !! “Ce méga délire de guedin” ! Citation conservée telle quelle là aussi.
Avant de comparer notre skill respectif en versus sur écran splitté, il fallait absolument qu'on termine le mode carrière pour chacun de nos personnages. Leyland prenait Chad Muska je crois, mais peut-être que je raconte n'importe quoi. Moi, je jetais mon dévolu sur Bob Burnquist, que j'ai longtemps appelé Bob Burnouste parce j'avais lu son nom trop vite. Il portait un bob, en plus de s'appeler Bob, et moi aussi j'en mettais un quand je ridais. J'y ai vu une sorte de signe du destin, un truc mystique qui allait me rendre meilleur. On voulait pousser les capacités de nos avatars au max avant de les faire s'affronter. Mais comme je n'avais pas le jeu, Leyland s'entraînait à fond chez lui en permanence, pendant que de mon côté, je faisais exploser des milliers de bombes sur ma petite sœur Rebecca dans Bomberman Party Edition. Du coup, le mode carrière me suffisait bien, surtout que pour le terminer à 100%, il fallait quand même “charbonner à donf”. Citation conserv… ah non, je suis juste un énorme boomer. Récolter les lettres S-K-A-T-E, la VHS, les billets… tous en train de léviter quelque part dans chacun des niveaux.


Caler tel trick à tel endroit pour valider une mission, parvenir à enchaîner les figures sans transition grâce au manual, avec le skateur qui reste en équilibre sur ses roues arrière ou avant, au lieu de simplement rouler. Ça permettait de continuer à accumuler les multiplicateurs de score et exploser toutes les limites. Tout ça dans le but de gagner un max de fric, et donc de quoi s’acheter les meilleures planche, améliorer les compétences de nos avatars pour qu’ils se cassent la gueule un tout petit peu moins souvent, et débloquer toutes leurs figures. Enfin moi je ne vivais que pour transformer mon Bob Burnouste chéri en brutasse qui te claquait un 720 kickflip to indy + varial to mute invert sur un tout petit module de rien du tout. Partant ensuite en manual jusqu'à une barre, enchaîner en FS Crooked + Rocket Tailslide avant de finir avec un 540 Racket Air. En goofy bien sûr. Alors imaginez sur une énorme rampe ce que ça donnerait.
Il se dégage de ce jeu une vibe très urbaine… ouais, sans déconner ! La plupart des stages se placent dans de vrais décors existants, quoique sans doute un peu modifiés. Du coup, ça devenait vachement facile de s'identifier, et on tentait fatalement de s’approprier notre ville, nous aussi. Les gens faisaient du skate dans la rue, la municipalité tout entière transformée en un gigantesque terrain de jeu. Bon, contrairement au monde virtuel, si on roulait sur des poussettes et qu’on sautait par-dessus trois bus à la suite, la police rappliquait assez vite. Mais skater signifiait avant tout se la raconter en adoptant un mode de vie bien particulier, et en se forgeant une identité sociale aux codes bien définis. Mais pardon, j'ai dit que je ridais, mais j'ai oublié de préciser un détail. Je ne faisais pas de skate, si j'omets de mentionner le mois et demi durant lequel j'ai tenté de réaliser un pauvre ollie tout miteux.
Tony Hawk's Social Club


Avec Leyland et Randall, on faisait du roller depuis quelque temps déjà. Aucune idée d'où la rivalité avec le skate a pris racine, mais ça servait parfois de prétexte à des bastons. Enfin pour rester factuel, le temps qu'on retire nos patins pour se taper avec, les skateurs nous avaient déjà tabassé avec leur planche depuis longtemps. On douillait déjà bien assez à cause des mecs en survets des quartiers, pourtant. Pas besoin d'en rajouter. Mais au final on s'en fichait, ça ne nous empêchait pas de nous prendre pour des oufs. On sautait par-dessus trois marches en faisant un tour sur nous-mêmes et en agrippant une roue du bout des doigts. On s’imaginait alors défier les lois de la physique comme dans le jeu. Parfois, on tombait et on saignait, comme dans le jeu aussi, sauf que nos croûtes ne disparaissaient pas en une seconde.
Nouvelle ère de tolérance
Je ne sais pas si ça se passait partout comme ça, mais là où j’ai grandi, notre style vestimentaire influençant le ou les genres musicaux que l'on écoutait. Ou l'inverse. L'œuf ou la poule. Et la ferme aussi. Les skateurs kiffaient en majorité le rock / punk / métal, tandis que le rap restait réservé aux “cailleras”, les gars des quartiers chauds (ou qui faisaient semblant de venir d’un quartier chaud), habillés en joggings. Et les filles ? Elles appartenaient au style, euh… au style fille, voilà. Tout manquement à la règle pouvait mener à une sévère punition ! Exclusion du groupe d’amis, insultes, tabassage… voilà notre lot quotidien (en vrai, ça se passait souvent très bien, tant qu’on respectait les conditions). Quelle ne fut pas notre surprise d’entendre autant de rap que de rock pendant nos parties de Tony Hawk 2 ! Mais alors, un tel sacrilège pouvait exister sans créer d’émeute mondiale ? Sérieux, cette révélation divine qu’on a eue, ce jour-là ! Dès lors, j’ai commencé à assumer de porter de baggys troués et trois fois trop grands, tout en écoutant le Suprême NTM et Dr. Dre. Jusque-là, je le faisais en cachette. Au lycée, tandis qu’un groupe me houspillait à cause de mes grosses pompes et mes cheveux longs, un autre mec a débarqué le doigt en l’air pour annoncer :”Ouais, c’est un skatosse de merde, mais il écoute du rap !” Gros blanc dans la conversation, puis tout le monde m’a laissé tranquille d’un coup, comme si j’avais acquis une sorte de statut improbable, me rendant ainsi invisible. Ça valait toujours mieux qu’une arcade sourcilière ouverte et trois dents de pétées tous les mois. Heureusement, les mentalités ont changé. Je crois. Alors même si d'habitude, je répète inlassablement que je préfère mille fois une O.S.T composée exprès pour un jeu, en lieu et place de morceaux déjà existants qu'on a regroupé dans une compilation, je dois quand même remercier la B.O. de Tony Hawk pour avoir fait sauter les clivages mentaux de toute une génération d'ados. Je ne suis pas le seul à penser ça, hein ? Y a que moi qui me faisait taper parce que je faisais du roller avec les membres de M.O.P. en train de hurler dans les oreilles ?
Tony Hawk’s Skateparking
Quand on devient ado, on commence à sortir le soir. Quand on est déjà geek avant même de devenir ado, sortir le soir peut se résumer à squatter la console chez des potes toute la nuit. Comme ma mère partait tous les week-ends à cinquante bornes de là pour construire sa future maison, sortir le soir signifiait rester chez moi à accueillir les copains. J’avais l’appart pour moi tout seul une petite centaine de jours par an. Trop de la bombe de balle, wesh ! (et je recommence avec mes expressions d'outre tombe, désolé). Je n’allais pas me prendre pour un gangster dans les rues du Havre pour autant. La plupart du temps, mon acolyte Leyland ramenait son CD-ROM de Tony Hawk 2, et si on ne succombait pas à la tentation de bifurquer sur Gran Turismo 2, on pouvait passer des heures sur l'éditeur de NIVEAUX !! Concevoir nos propres skate parks pour les tester ensuite, la consécration ultime pour Bob et Chad. Nos stages étaient buggés et complètement dénués de cohérence, mais on les aimait. On pouvait enfin se la péter en ridant dans NOS créations, rien d’autre n’avait autant d’importance dans la vie… à part écouter la Fonky Family avec des Vans démesurées aux pieds.

On avait même inclus des gaps secrets, des bonus avec des noms uniques qui apparaissaient lorsque l'on sautait ou qu'on slidait au bon endroit. Exemple, en passant au-dessus d'une fontaine, on débloquait le “Coule Jumpe”. Coule pour cool, mais par-dessus l'eau de la fontaine. Coule, eau… bref. Pourquoi un e à Jumpe ? Ouais là j'en sais rien. On avait aussi fait tomber notre personnage à l'intérieur d'un décor sans faire exprès, mais le jeu considérait qu'il était encore en l'air, si bien qu'on pouvait réaliser des figures à l'infini. Le score atteignait des valeurs totalement délirantes, à base de cinquante tours sur soi-même. On avait rempli l'écran du nom des figures composant ce combo de l'espace. Le genre de truc qui illuminait nos journées, jusqu'à ce qu'on se reprenne une planche en plein visage.



