top of page

Populous

Jeu Super Obsédant #3

Populous, Mega Drive, Cover

Type de jeu

Usine à fabriquer des lopins de terre. Et des montagnes. Et des raz-de-marée. Et des milliers de terroristes fanatiques.

Date de sortie sur nos machines

1990 en version PAL, mais impossible de connaître le mois de sortie. Si jamais quelqu’un sait, ça me permettra de mieux dormir.

Développeur

Bullfrog Productions Ltd. Le jeu qui m’a fait adorer le logo de la grenouille taureau.

éDITEUR

Electronic Arts Inc. Le jeu qui m’a aussi fait adorer le logo avec les formes qui tournent, là.

Populous : disponible sur la Mega Drive Mini 2, sur GOG et sur Steam (version PC pour les deux), sur le site d'EA, et chez Epic Games ! Pas mal pour une vieille cartouche.

Si je ne me rappelle plus vraiment la manière dont j'ai fait connaissance avec ce jeu, je me souviens bien tomber sous son charme en quelques instants. À cette époque, mon beau-père s'achetait encore des cartouches pour son divertissement personnel, alors peut-être que Populous en a fait partie. Il a dû se faire trois ou quatre sessions avant de reprendre son activité favorite, à savoir me prendre pour son paillasson vivant, et a oublié cette multitude de petits personnages en train de bâtir leurs baraques avec frénésie. Moi je n'ai pas oublié, au contraire. Plus le temps passait, plus le concept me rendait totalement barge. Attendez, ça existe, d'autres trucs que des gars qui tabassent d'autres gars en avançant à l'horizontale ? Ou que des bagnoles toutes plates qui doublent d'autres bagnoles toutes plates en glissant trois centimètres au-dessus de la route ? Trop bien la vue isométrique en vrai ! Même si je n'apprendrai le mot isométrique qu'en 2003 environ. Je peux essayer, ou c'est comment ? Entre beau-papa et Elena Vestibule qui se situent au-dessus de moi dans la hiérarchie familiale et qui réclament leur part de temps de jeu, pas facile de se faire une place devant la Mega Drive.

Coup de foudre divin

Populous, Mega Drive, Menu

Heureusement, le premier changeait de hobby comme de slibard (je ne dis pas chemise, vu qu'il en mettait deux par mois maximum), et la seconde retournait souvent chez sa mère. J'ai donc pu squatter Populous à foison au bout de quelques jours. Et plusieurs années après, mon addiction vivait toujours sa meilleure life. Je crois que ma grande-sœur n'y a pratiquement plus touché ; j'ai fait de la possession de la manette un combat sans merci lorsqu'on se lançait dans une partie. Pas d'histoire d'on se refile le pad à chaque niveau, nanani nanana. Je perds, je continue. Je gagne, je continue. J'allais y jouer pendant des heures, dès que possible, le plus souvent et le plus longtemps possible. Enfin ça, c'est ce que je me disais dans ma tête.

Genèse d'un genre nouveau

Populous, Mega Drive, Grass, Floods

Tiens, un autre terme que j'ai appris mille ans après l'avoir expérimenté pour la première fois : le God Game. Populous en serait le premier représentant, en balayant sous le tapis d'autres prétendants au titre plus ou moins légitimes. Une simulation dans laquelle le joueur incarne un genre de dieu, sans moyen de diriger ses sujets directement, mais disposant de diverses méthodes pour parvenir à quand même les amener où il veut, ces crétins ingrats ! Dans le cas qui nous intéresse, la mécanique principale consiste à modeler le terrain à notre guise. La population bâtit des maisons plus solides en fonction de l’espace plat disponible, en tire une ressource correspondante (appelée Manna, avec deux n), et se reproduit à vitesse variable, en fonction du logement qu’elle habite, les caractéristiques du terrain et… sans doute que la puissance de nos unités joue un rôle aussi ? Je pense, et je crois qu'il existe d’autres paramètres, mais je vais m'arrêter avant de basculer du côté obscur de la supposition.

Plus on possède de logements (d’autant plus les grosses baraques), plus on possède d’énergie pour lancer nos sortilèges divins (toujours le Manna, ou la Manna, personne ne savait comment écrire ce truc en 1990). On peut inciter les gens à construire de manière raisonnée et pacifique, à construire de manière expansionniste et inquisitrice, ou à fusionner (oui oui) vers le chef pour lui donner plus de force, ce qui sert pour les combats, naturellement. En plus, il existe des centaines de niveaux différents, avec des critères propres (qui influent sur la vitesse de reproduction des ennemis, de la disponibilité des pouvoirs, le temps que les sujets peuvent passer dans l’eau avant de se  noyer… etc.). Et le camp adverse fait pareil, dans l’espoir de prendre le dessus sur l’autre : à savoir, cramer toutes ses habitations et buter tous ses citoyens !

Populous, Mega Drive, Desert
Populous, Mega Drive, Snow

On n’a pas dit que le concept faisait souffler un vent de fraîcheur jusque dans sa résolution non plus, hein. Mais il bénéficiait d’une profondeur de gameplay jamais vue à l’époque pour moi. Ma stratégie préférée consistait à bâtir mon empire sur un sol à deux étages, de sorte à n’engloutir personne en lâchant un raz-de-marée. Stratégie qui ne fonctionne plus au bout d'un certain temps, avant que l'ennemi ne devienne capable de m'éclater avant même que je puisse leur lancer un petit tremblement de terre. En même temps, j’aplatissais des hectares entiers le plus vite possible pour voir quelques châteaux s'édifier (le bâtiment le plus puissant, mais à la vitesse de reproduction la plus basse). Je croyais inventer l'eau chaude, mais le concept s'est révélé un peu plus subtil que ça.

Ma mâchoire s’est décrochée plusieurs fois avant que j’en fasse le tour, de ce jeu ! D’ailleurs, je ne l’ai jamais terminé. Du coup, ma mâchoire n’a jamais véritablement pu se refermer depuis mes six ans ; pratique. Toutes ces idées sortiraient d'un seul cerveau, celui de Peter Molyneux, formidable esprit au melon au moins aussi énorme, fondateur de la société Bullfrog, et responsable d'une grande partie de mes meilleurs souvenirs vidéoludiques. Le mec était juste inarrêtable dans les années 90, en enchaînant les tueries Theme Park, Theme Hospital et Dungeon Keeper, entre autres légendes et… euh, promesses de dingue non tenues, ce qui décevra jusqu'aux adorateurs les plus assidus.

Populous, Mega Drive, Lava

Déluge de merveilles

Populous, Mega Drive, God, Nemesis

Alors en quoi elle consiste, l’ambiance du premier God Game de l’histoire ? Euh, je saurais pas trop la définir, tiens. Graphismes pas dingues, interface à la fois vide et fouillie qui occupe les trois quarts de l’écran, bruitages étranges… ET POURTANT !! On est pris dans l’urgence de se façonner une armée de fidèles plus vite que l’ennemi (l’ennemi incarné par l’IA hein, faut pas abuser non plus). Le son du battement de cœur qui se répète à l’infini participe bien au stress permanent, surtout lorsqu’il accélère quand la partie se complique pour nous. Je me sentais revigoré comme jamais lorsque j'appuyais sur l'icône du chevalier, transformant mon chef de clan en brutasse cuirassée. Le son que ça faisait ! Comme un gros ressort métallique qui rebondit sur une roue de vélo rouillée, bah je trouvais ça dingue.

Ou je me pétrifiais de terreur, lorsque l'initiative venait du camp d'en face. Je ne me lassais jamais de répéter les mêmes actions sur des mondes alternant entre l'herbe verte, le désert, la neige et le paysage volcanique. Et puis, il y a ces monstres bigarrés qui apparaissent sans prévenir et traversent notre village en laissant un sillon de destruction derrière eux (je crois me rappeler d’un magicien géant qui crée une forêt en clignant des yeux, un crapaud immense qui bave sur la terre pour en faire des marécages, et un autre truc indéfinissable qui défèque des montagnes). Populous ressemble à un cocktail de machins bizarres qui se combinent en une seule entité au charme incroyable, à une époque où bidouiller des bouts de code assis par terre dans une cave pouvait encore donner vie à de fantastiques jeux vidéo. Croyez-en mon expérience de mec qui n'a jamais su aligner deux lignes de XML, ni su assembler deux bouts de bois pour faire une épée.

Populous, Mega Drive, Rules
Populous, Mega Drive, Dwellings

Cela dit, la version Super NES me paraissait plus sombre et plus oppressante (donc selon mon point de vue d'enfant pas hyper porté sur la joie de vivre, encore plus classe). J’avoue, quand mon cousin Walter y jouait, et malgré tout mon amour pour la Mega Drive, je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que ça avait l’air mieux. La Master System a eu droit à son portage aussi, même que j'y ai un peu joué chez un très bon ami à mon père, un certain Eddie Chatterton. L'un des rares détenteurs d'une 8-bits de chez Sega dans mon entourage, mais aussi d'un ordi sur lequel j'ai vu tourner Theme Park pour la première fois. Mais quand j'allais là-bas, je n'avais d’yeux que pour Enduro Racer, allez savoir pourquoi.

Physique Cantique

Euh, de quelle bande son parle-t-on, au juste ? La musique du menu principal ? Ouais, elle fait mal aux oreilles, pas vrai ? On la croirait sortie d’un scanner tuberculeux. À part ça, rien ! Sauf le fameux battement de cœur incessant durant les parties, bien sûr. Bon, ça permet de se concentrer uniquement sur les effets sonores, on n’a qu’à dire ça (effets sonores assez rares aussi, cela dit). Mais eh, oh, il n'y avait plus de place dans la cartouche ou quoi ? Est-ce Dave Hanlon ou Rob Hubbard sauraient me renseigner ? Marrant comme le premier est parfois crédité comme le créateur de la musique in-game. Gros boulot, mec, vraiment. Du silence PARFAITEMENT composé ! Sur la Super NES, là encore on avait droit à du mieux, avec une boucle entêtante qui assombrit les sessions de jeu, faite de bourrasques de vents et de voix spectrales. On sentait le danger qu’il y avait à idolâtrer un dieu comme nous ! Ou plutôt on sentait l'énorme bêtise qu'on avait faite en se lançant à l'assaut des cinq cents niveaux du jeu, dont l'hostilité grandissante ferait perdre la foi à n'importe quel bigot en plein pèlerinage. Peut-être que j’aurais vraiment aimé posséder cette adaptation Nintendo. Purée, ouais… 

Populous (Mega Drive) - Menu
00:00 / 03:08

Tour des miracles

Cela n'est peut-être que le fruit du hasard, mais Populous a participé à l'un de mes souvenirs d’enfance les plus magiques. Cela implique un jour d’été durant lequel ma mère fait le ménage quelque part dans l'appartement en écoutant le premier album de Native. Mon beau-père n'est pas là, je lance le jeu et je regarde les rayons du soleil éclairer la pièce. Bam ! Moment touché par la grâce, révélation suprême, enrôlement direct dans une secte évangéliste. En vrai, j'ai sans doute idéalisé ce bref morceau de journée quand j'y ai repensé des années plus tard, mais je le garde tel quel quand même. De toute façon, Populous m’a marqué de bien d'autres manières. Je me rappelle passer plusieurs journées de vacances d'été, à dessiner l’écran de jeu au crayon sur des feuilles (donc, des mecs sans visage et des maisons, quoi), et à lister les armes octroyées aux personnages en fonction de leur habitat. J’en inventais d’autres, aussi, comme si je créais une sorte de mod, mais sur papier (beaucoup moins fonctionnel, mais beaucoup plus simple). J'avais aussi tenté de redessiner la boîte de mémoire, et l'avais offerte à un gars qui chantait des vieilles reprises de soul, dans un camping du sud de la France. Très bizarre d'écrire ce souvenir, tout de suite. Aujourd'hui encore, je m'amuse à imaginer des boucles de gameplay supplémentaires au jeu de base, cette fois sur un document enregistré dans mon cloud (toujours pas fonctionnel, mais encore plus pratique).

Populous, Mega Drive, Knight, Gif

Il y a aussi cette fois où, très concentré lors d’une partie assez difficile, je parlais à mes petits sujets pour les motiver. Je répétais sans cesse “allez, il faut aboutir, il faut aboutir !” Ma mère, qui passait à côté de moi, m’a demandé ce que je pouvais bien raconter. Pour moi, “aboutir” signifiait “construire.” Je me suis senti un peu con quand elle m’a expliqué que ça n'avait pas le moindre sens, puis j’ai replongé le nez dans ma mission. J'ai récemment vu qu'il existait un tutoriel, que bizarrement je n'ai jamais ouvert alors que j'ai lancé ce jeu des cinquantaines de fois. Il m'aurait peut-être donné quelques infos bien utiles sur comment gagner contre autre chose que des ennemis grabataires.

bottom of page