Warcraft II : Tides of Darkness
Jeu Super Obsédant #1

Type de jeu
Plagiat du Seigneur des Anneaux, de Warhammer Fantasy Battle et de Dungeons & Dragons, donnant vie à l'une des aventures les plus palpitantes de tous les temps.
Date de sortie sur nos machines
Décembre 1995, la version avec manuel en VF, mais le jeu en VO (le début de l'apprentissage intensif de l'anglais pour moi).
Développeur
Blizzard Entertainment INC., déjà créateurs de the Lost Vikings, et bientôt de Diablo.
éDITEUR
Toujours Blizzard Entertainment INC. ça fait plaisir de ne pas voir Activision écrit sur la boîte. Et ça fait d'autant plus plaisir de voir le vieux logo d'Ubisoft, qui a distribué le jeu en France.
Warcraft II : disponible sur GOG... Ah non ! Les grands philanthropes de chez Blizzard l'ont salement retiré fin 2024. Bon bah on le trouve encore sur Battle.net, super.
Mon père m’a offert ce jeu à noël 1995, chez mes grands-parents paternels à Dieppe. J’ai fixé la boîte en silence pendant des plombes, tétanisé par une émotion que ne j’arrivais pas à retranscrire en mots. Une sorte d’euphorie muette, même si je ne savais pas encore bien pourquoi. Peut-être imaginais-je les nouvelles possibilités s'offrant à moi sur l'ordi flambant neuf de mon beau-père, une machine futuriste arrivée à la maison plus tôt dans l'année. Les gens ont sans doute cru que je tentais de masquer ma déception, vu ma capacité à afficher une expression neutre sans faire exprès, même quand je jubilais intérieurement. Je n’avais jamais vu ce titre nulle part, pas même chez mon cousin ou mes potes voisins qui possédaient tous les jeux du monde à eux trois. J'allais bientôt découvrir un univers de dingue, doublé d'un genre ultra addictif. Et tout seul, en plus !
Joyeux Noëlfe !

Fossoyeur de 16-bits

Aaaaaah ! La seconde moitié des années 90… les choses s’accélèrent ! L’arrivée du Pentium cadencé à 75MHz au domicile me fait vite comprendre que les journées de vingt-quatre heures, ça risque de faire vachement court. De ce fait, malgré un intérêt toujours très vivace et inexplicable pour Warriors of the Eternal Sun, je délaisse la Mega Drive peu à peu pour naviguer vers d’autres horizons vidéoludiques, notamment le jeu de Stratégie en Temps Réel. Ca existait déjà depuis quelques années, et pourtant je n'en avais encore jamais entendu parler. C'est en très grande partie à cause de Warcraft II que je n'ai vu aucune cartouche débarquer dans ma console après Pitfall : The Mayan Adventure, ou le Roi Lion.
On récolte des ressources, on construit une base de plus en plus stylée, et on balance des troupes de plus en plus bourrines à la tronche de l’ennemi, de préférence en ayant tout fait plus vite que que lui. Ce genre ne me lâchera plus vraiment depuis le jour où Warcraft II m’a fait tomber dedans. Je croyais avoir déjà compris ce que signifiait devenir accro à un jeu vidéo avant, mais avec Warcraft II, ma fascination a crevé tous les plafonds. Quant à ma mère, elle a compris trop tard qu'un gamin obsédé par tous ces nouveaux logiciels n'allait sans doute pas se lancer dans des études de médecine, et encore moins la faire briller en société. Elles ne pouvait pas comprendre ! Toutes ces options disponibles ! Les soldats, les mages, les bateaux, les unités volantes... le tout mis en scène dans un scénario palpitant !


Sérieux, quand je découvre au détour d’une mission en incarnant les humains, qu’un camp de congénères a fait copain-copain avec les orcs, bah je me dis : “Ouaaaaaaah, Histoire tellement complexe et profonde ! Plus que Tolkien en tout cas !" J'ai galéré à terminer les deux campagnes, ça m'a pris de longues semaines, voire plus que ça. puis j'ai découvert les scénarios personnalisés, et j'ai pris des roustes encore plus vénères, mais j'ai continué à persister. J'ai même trituré l'éditeur de cartes, en modifiant les statistiques des Orcs pour les rendre plus costauds. Ca m'a toujours paru débile qu'une énorme brutasse verte ne tape pas plus fort qu'un soldat moustachu fragile. Il aura fallu une coalition de plusieurs jeux vidéo pour me sortir de cette spirale chronophage, mais tellement stylée.
Si j'ai fondu de bonheur devant le gameplay et ses intrications, quelque chose d’encore plus dingue se dégage des graphismes. Je ne saurais pas trop définir quoi exactement, mais ça crée une immersion de malade. Peut-être le fait que je voyais d’autres trucs que des sprites 8 ou 16-bit de console. Chaque unité, chaque bâtiment et chaque bout de chair en décomposition semble avoir été dessiné avec une extrême minutie encore jamais vue à l’époque (par moi en tout cas). On devine un quotidien pas toujours simple, chez ces humains et ces orcs qui se tapent dessus sans discontinuer ; mais en même temps, la lumière qui s’échappe de la scierie des trolls donne tellement envie d’aller y boire un coup (ou d’y croquer un morceau de Platane, plutôt).
Gros Shot de High Fantasy


La pellicule de neige n’ajoute-t-elle pas un effet féérique sur l’hôtel de ville des humains ? Et quand un paladin fonce dans la mêlée avec sa grosse voix d’inquisiteur en pleine croisade, ça envoie du steak ou quoi ? Oui, bien sûr que oui. Il faut dire que je n’avais pas encore fait mon overdose d’heroic fantasy. Ces multitudes univers proposant les mêmes monstres, les mêmes personnages et les mêmes histoires… il y avait encore de la place pour les gobelins et les dragons dans mon cerveau quand j’avais onze ans. J’ai guéri depuis, fort heureusement.
Clavecin et Ossements
Chacun des deux camps (humains et orcs, donc) possède sa propre O.S.T., reconnaissable dès l’instant où n’importe quel morceau se lance (voilà bien le seul truc qui différencie les deux factions, tiens). Glenn Stafford a vraiment réalisé un travail de dingue, tout en épique, grandiose et autre superlatif qu'on veut bien lui accoler. ça n'a pas vieilli d’un poil de cul d’ogre, c'est pas pour rien que le gars a composé la musique de tous les jeux blizzard à ce jour, ou presque. Pour rester dans celle de Warcraft II, souvent sombre, souvent d’inspiration médiévale (quoique cela veuille dire), elle me transportait en trois secondes dans le monde merveilleux (et un peu crasseux) d’Azeroth, pour mon plus grand bonheur. À vrai dire, si j’avais pu bâtir des forteresses et tabasser des nains en armure dans la vraie vie, plutôt que de lire Madame Bovary ou apprendre la trigonométrie, ça m’aurait bien arrangé (mais en fait non, calme-toi - note de moi-même à sa version enfant de 1996). Ça m’aurait encore plus arrangé d’apprendre à jouer une compo de Warcraft II à la contrebasse en cours de musique, au lieu de se retrouver à chanter The Corrs devant toute la classe (euh ouais, là par contre je suis toujours d’accord - seconde note de moi-même à sa version enfant de 1996).
La Tête dans le disque dur
Lors de ma grande période de dépendance, je pensais Warcraft en permanence. Je ne faisais que réfléchir à des stratégies sur mes cahiers dès que je ne pouvais pas m’asseoir devant l’ordi. J’en parlais à mes copains à l’école comme d’un sujet géopolitique majeur, et les musiques jouaient en boucle dans ma tête, ce qui me préservait au moins des goûts très discutables de ma mère et mon beau-père. Dès que je me rendais quelque part, en vacances ou en week-end, j’attendais une seule chose : rentrer à la maison pour terminer la mission que j’avais laissée en plan en partant. Je me souviens d'une virée en camping-car, où même la game boy de ma grande sœur Elena Vestibule ne suffisait plus à me faire patienter. Je préférais attraper un crayon pour dessiner de nouvelles maps sur cet éditeur ultra rudimentaire appelé feuille de papier.

Durant l'enfance, Ma mère a dû me reprocher un bon millier de fois d'être "tête en l'air". "Mais non maman ! Je réfléchis à comment assouvir la vengeance pour Zul'jin !" Comportement à la limite de la psychose ? Peut-être bien, mais paradoxalement, ça me donnait une joie de vivre incroyable. Quoi de plus grisant que d'espérer retrouver quelque chose après en avoir été privé, hein ? ça fonctionne pour les personnes portées disparues, les chats qui ont décidé de fuguer pendant un mois ou deux, et aussi pour les jeux vidéo qui attendent sagement dans leur boîte qu'on les ressorte. Encore aujourd’hui, rien que de voir un screenshot du jeu fait résonner une madeleine de Proust furtive mais intense en mon for intérieur.



