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Heroes of Might and Magic II

The Succession Wars

Jeu doudou éternel #5

Heroes of Might and Magic II, the Succesion Wars, PC, 3DO, NWC, cover

Type de jeu

Premier chef-d’œuvre avéré de jeu-vidéo-thérapie, par l'apaisement et par le rire. Guérison garantie ! Dommage, la prise en charge par la sécu ne risque pas d'arriver.

Date de sortie Sur NOS MACHINES

Octobre 1996, une période saturée de jeux vidéo incroyables dans ma tête et dans mon ordi, et pourtant...

Développeur

New World Computing, Inc., les premiers que je ressusciterais si j'étais expert en nécromancie.

éDITEUR

The 3DO Company, les seconds que je ressusciterais, mais avant qu'ils sortent leur console. Et... ils ne la sortiraient pas, quoi.

Heroes of Might and Magic II : disponible sur GOG.com, et sur l'Ubisoft Store, tous les deux en version Gold avec l'extension. Bon, on va l'acheter sur GOG, hein.

La rencontre avec ce titre ne fait pas partie de mes anecdotes les plus romantiques. Un jour, en passant devant le bureau de mon beau-père, j’ai aperçu une boîte de CD gravé, presque neuve et pourtant déjà à moitié cassée, un pauvre bout de papier en noir et blanc inséré derrière le couvercle en guise de pochette. Je l'ai attrapée en me demandant quel genre de programme chelou l'autre pervers narcissique de service s'était encore procuré, histoire de baratiner ses proches comme quoi il se débrouillait en hacking. Puis j'ai compris que ça ressemblait à un jeu, bien que sans doute tout moche et tout bidon, et je l'ai essayé quand même, mais vraiment parce que je n’avais rien à faire sur le moment. Et alors OH BORDEL ! Ultra méga génial ! Et super joli de surcroît ! Purée, beau-papa, t’aurais quand même pu me prévenir que t’avais piraté une tuerie pareille ! T’allais jamais me le dire, hein ? T’allais le garder pour toi et le foutre à la poubelle trois jours plus tard.

Pas ouf, l'artefact

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Je ne t'ai jamais vu ne serait-ce qu'une seconde balader un héros ou construire le moindre bâtiment dans le monde d'Enroth, saleté de c… allez, je me calme. Évidemment, je n'ai jamais posé de questions devant sa face pour élucider cet éternel mystère. Pourquoi s’appropriait-il autant de jeux vidéo personne ne savait comment, pourquoi n'y jouait-il jamais, et pourquoi les gardait-il secrets tout en les laissant traîner à la vue de tout le monde dans l'appart ? Dès que j'ai cliqué sur “Nouvelle partie”, je n'en ai plus jamais rien eu à faire de connaître les réponses, tellement j'ai adoré Heroes of Might and Magic II. 

Médiéval
Féérique

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Si j’avais déjà un peu tâté du jeu de stratégie en temps réel comme Command & Conquer et des RPG au tour par tour comme Warriors of the Eternal Sun, je n’avais encore jamais vu un machin qui combinait les deux, tout en ajoutant un paquet d’autres aspects. Non seulement on y construit nos villes (celle du chevalier, du barbare, de la sorcière… pour un total de six), on embarque nos armées au combat (six créatures différentes par ville, du squelette moisi au phénix prestigieux, en passant par les minotaures bourrins et les paladins scintillants, plus quelques autres non alignées), et on bichonne nos héros en leur apprenant des compétences, des sortilèges, tout en les bardant d’objets magiques. Le terrain de jeu fait office d’immense plateau interactif pouvant se décliner en sept types de sol, dont l’herbe, la neige ou le désert, et même huit si on compte l’eau. Disons huit du coup, puisqu'on peut se promener sur l'eau aussi, moyennant l’embarcation dans un bateau. On y rend visite à des meuniers, des sorcières, des ermites mystérieux et autres bestioles, parfois aimables, parfois belliqueuses.

Dans certains niveaux, et dans les campagnes scénarisées, une vraie trame narrative nous est contée en fonction du temps qui passe et des lieux que l’on découvre. Sinon, je vous ai parlé des ressources ? De l’or doré, du bois marron, du soufre jaune, du fer gris, des cristaux roses, du mercure argenté, et des gemmes multicolores ! Prononcez cette phrase comme dans la vieille pub pour les Lucky Charms, vous verrez comme c'est satisfaisant. Personne ne veut essayer ? Euh, bon, je disais que le gameplay m'a refilé le tournis le plus incroyablement cool de ma vie. J’avais vraiment l’impression de jouer à trois jeux à la fois. Ça n'a pas bénéficié de l'équilibrage le plus pointu, si l'on s'attarde sur des détails du style : un seul génie peut diviser par deux le nombre de créatures ennemies qu'il tape (même si ça signifie vaporiser deux mille titans), ou bien les fantômes qui commencent la bataille à vingt et qui la terminent à neuf cent douze, car chacune de leurs victimes vient grossir leurs rangs en direct. Mais la boucle d’exploration / construction / baston se déplie de la plus belle des manières.

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Même si j'adorais les phases d’aménagement et consolidation de nos forteresses (sur un plan fixe de plus en plus fourni), ainsi que les affrontements dantesques sur le champ de bataille (un quadrillage composé d'hexagones, un hexadrillage donc, en vue isométrique très bizarre mais très stylé), je préférais de loin les sessions d’aventure (en vue iso beaucoup moins bizarre et encore plus stylée), qui valent bien celles de Grandia, même si rien à voir. J'y ai découvert des milliers de scènes merveilleuses, où chaque type de terrain nous emmène en voyage et nous berce à sa façon. Par exemple, lorsqu’on laisse notre héros se reposer près d’une fontaine enchantée qui nous gratifie de son écoulement envoûtant. Un peu plus loin, les bêlements d’une chèvre nous proviennent d’une ferme accueillante, tandis que depuis une mine de cristaux, on peut entendre les travailleurs creuser la pierre de leurs vieilles pioches rouillées.

Heroes 2 comme je l’appelais, sans doute comme tout le monde, m'a appris les bienfaits qu'un pixel art impeccable pouvait avoir sur ma personne, surtout accompagné d'un sound design tout aussi mélodieux. Durant ce genre de moments, une sorte de grâce divine enveloppe notre âme dans le coton le plus confortable du monde. Plus rien de peut nous arriver, nos problèmes s’envolent (surtout les problèmes d’un gamin de onze ans, à la fois dérisoires et de la plus haute importance). 

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Hilarante Fantasy

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Qu'est-ce que je disais sur les combats un peu plus haut ? Affrontements dantesques ? Hahahahah pardon. Oui on change d'ambiance par rapport à la béatitude des paysages que l’on traverse à dos de cheval, aucun doute là-dessus. Mais euh, si j’ai déjà ressenti une certaine angoisse durant des batailles difficiles, ou un sentiment de toute puissance quand j’écrasais mes adversaires, rien d’épique du tout là-dedans. En fait, les batailles me faisaient énormément marrer. Les mouvements saccadés des créatures, leurs râles indignés lorsqu'elles encaissent une attaque, les enchaînements de coups et de ripostes en mettant les animations en très rapide dans les options... aussi hilarant qu'une fée planant autour d'un cercle de champignons magiques dans une forêt enchantée pouvait nous apaiser. Et dire que Heroes 1 allait encore plus loin dans le genre...

Quand je dis qu'on rigolait, on tombait par terre en se tenant le ventre, mes potes et moi. Et par potes, je ne compte pas deux ou trois randoms depuis longtemps oblitérés de ma mémoire, mais surtout Randall Geyser qui a aussitôt pris le train de la hype en marche. Pour une fois que je lui montrais un jeu d'ordi et pas l'inverse. Les dragons et leur mignonne petite truffe, les gobelins et leurs cris aussi pathétiques qu’amusants, les golems de fer et d’acier qui ressemblent à Jean Réno, sans oublier les elfes (qui ne ressemblent pas du tout à Orlando Bloom ou Evangeline Lilly), les hobbits ou les orcs qui rotent quand on les frappe. Pas certain que les développeurs aient souhaité que l’on ressorte de chaque échauffourée avec ces crampes aux abdos.

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Quoique, lorsque l’on voit la tronche de certains héros, on finit par se demander si le but d’Heroes of Might and Magic II n'est pas justement de nous tuer de rire. Une bonne moitié de ces chevaliers, magiciens, sorcières et barbares se sont fait tirer le portrait avec des dents beaucoup trop visibles pour qu'on n'y voie pas un grotesque pattern. Et entre celleux qui sourient comme des idiot.es, qui tirent une tronche pas possible ou affichent une poker face à toute épreuve, impossible de se lasser. Combien de fois a-t-on recruté telle ou telle personne dans nos rangs, juste pour avoir le loisir d’admirer son minois ridicule à volonté ? Beaucoup trop souvent, et on perdait la partie, du coup. Malgré tout, on sent la recherche d’une certaine cohérence liée à diverses mythologies, qui déterminent toute la thématique de leur ville associée. Gros pouce levé pour l’immersion.

On a envie de garder ensemble les bestioles appartenant à la même catégorie de ville. D'une, ça leur octroie un meilleur moral que si on les mélangeait avec des individus d'autres horizons. De deux, ça rend mieux graphiquement, avec le même fond uniforme qui agrémente chaque miniature d'unité. Là ! C'est propre, bien rangé, chacun à sa place ! Voilà de quoi donner un sens renouvelé au mot communautarisme. Je n’ai pas dit que c’était une bonne nouvelle, mais ça a le mérite de changer des politiques véreux habituels. Par contre, Heroes 2 qui me transforme en ministre de l'intérieur d'un gouvernement crypto-fasciste, je ne l'avais pas prévu du tout. Ai-je failli mal tourner parce qu'on m'a obligé à garder les cochons ensemble ? Même Master of Orion II ne m'aurait pas rendu aussi sectaire.

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Envoûtement par les sons

Les musiques suivent un peu le même schéma que le reste, à savoir que certaines nous transportent par leur beauté et leur mélancolie, mais d'autres produisent l'effet complètement inverse. L'inverse d'une jolie mélancolie, ça se qualifie comment ? Par des ricanements saccadés, tout à fait ! Et pour le coup, ça n'intervient pas pendant les bagarres, dont les rythmiques un peu martiales atténuent un peu le joyeux bordel ambiant, mais dans les villes. Se replacer dans le contexte d’un enfant biberonné à l’eurodance, le rock alternatif et le rap de Skyrock permet de comprendre le choc qu’on doit encaisser. Ainsi, cliquer sur un château hanté pour entrer dedans, et se faire accueillir par un chanteur d'opéra à l’apogée de sa carrière, ça fait bizarre ! Le gars s’égosille en allemand, en plus (aucune référence douteuse ici, juste la rugosité de la langue n'aide pas). Personne ne prépare mentalement les gosses à ce genre de rencontre. Bon, j’en rajoute un peu, surtout qu’à l’époque, mon ordi jouait les compos en format MIDI, donc sans voix. Inutile de préciser que les morceaux se faisaient bien charcuter par la brave Soundblaster. Laquelle ? Je ne sais plus, mais elle était numérotée avec un chiffre appartenant aux puissances de deux. J’ai découvert les envolées des cantatrices et autres barytons en insérant le disque dans ma chaîne hi-fi, un jour où j’avais décidé de faire ça avec tous mes jeux de PC, pour voir. Effet de surprise garanti ! Tout autant de Wipeout, mais pas dans le même genre. Et puis j'ai vu qu'en fouinant dans le menu, on pouvait activer le son Hi-Fi + Opera, et je l'ai fait. Ça a modifié l'attribution de certaines pistes à certaines cités, ça a supprimé une musique de terrain et ça a totalement remplacé la compo du menu principal, mais ça ne m'a pas empêché d'apprécier… et de bien me bidonner. Aujourd'hui je préfère réécouter en MIDI, à quelques exceptions près, probablement car j'aime aussi souffrir sans raison. Cela dit, si j'adore tous les titres de cette B.O., rien n'arrive à la cheville des thèmes accompagnant la carte d’aventure, notamment ceux des terrains d'herbe, de terre et de marécages, qui m’arrachent des flots de larmes nostalgiques encore aujourd’hui. Le trio Paul Romero, Robert King et Steve Baca fait depuis partie de mes compositeurs préférés de tous les temps. Leurs œuvres atteignent des niveaux de perfection que je n’aurais jamais pu imaginer, même dans mes fantasmes mélomaniaques les plus fous. Mais comme je commence à partir en sucette siffleuse, submergé par l’émotion rien que d’en parler, j’ai plutôt envie d’écouter un truc amusant. Avec les voix, s'il vous plaît. 

Heroes of Might and Magic II (PC) - Knight Town Theme
00:00 / 02:30

Mais quand même, écoutez-moi un vrai beau morceau, mille fois plus beau que le plus beau de tes jeux rétro sous scellé, noté 95+ et exposé sur une étagère en diamant, éclairé par des spots de lumière divine.

Heroes of Might and Magic II (PC) - Dirt Theme
00:00 / 02:00

Fausses notes et Contrebande

Un dernier détail a achevé de nous rendre addicts à ce jeu : le mode hot seat, qui permettait de se lancer dans des parties à plusieurs sur le même ordi. On retrouvait une certaine convivialité inhérente aux consoles qu'on avait perdue quand les PC ont inondé les maisons. Sans exagérer, on a passé des moments assez incroyables, même si on n’arrivait pas souvent à terminer les épopées qu’on avait commencées. Ça prenait trop de temps, et ça impliquait qu'on se retrouve sur plusieurs jours pour reprendre là où on s'était arrêtés la dernière fois. Car bien sûr, en bons accros au concept, on ne jouait pratiquement que sur les cartes les plus grandes. Durant les premières heures, on se lançait avec un sérieux inébranlable. Puis au bout d'un moment, la folie nous montait à la tête, sans rien pouvoir y faire. Tel était le pouvoir caché d'Heroes 2. On se mettait à faire n’importe quoi, comme se rouler par terre, ou déblatérer des inepties avec des voix d'abrutis finis. Mais le jeu devenait fou, lui aussi ! La musique sonnait ultra faux, sans prévenir, aussi bien sur la carte d'aventure que dans les villes. Mais vraiment déglinguée, hein ! Avec la mélodie qui se déréglait et ne jouait plus que des fausses notes. Sauf que contrairement à nous, elle revenait à la normale au bout d'une demi heure. Je n’ai jamais su pourquoi elle se réparait toute seule, mais le prétexte pour se marrer encore plus tombait sous le sens. Enfin, il existait l'outil ultime pour nous combler de bonheur : un éditeur de niveau ! On pouvait plus ou moins y créer les mondes que l’on voulait, moyennant un peu de réflexion, pas mal de temps passé à les concevoir, et énormément plus à les tester. Bon, on zappait souvent la phase de test, et parfois aussi la conception, ce qui donnait des aberrations comme démarrer un scénario avec dix héros blindés de six stacks de 9999 dragons noirs, parachutés dans un décor minable et même pas fonctionnel.

Heroes of Might and Magic II, the Succesion Wars, PC, 3DO, NWC, battle, gif

Une fois, j’avais creusé des trous infranchissables entre les ennemis et moi ; je ne pouvais jamais perdre, ni gagner, bravo mon gars. Avec Randall, on s'échangeait nos expérimentations, une disquette contenant les fichiers des maps planquée dans le cartable. On se la passait discrètement pendant la récré au collège, comme si elle contenait les infos les plus secrètes du monde ! En même temps, on n'avait pas trop le droit de se pointer avec des disquettes, qu'elles contiennent des bouts de magnificence digitale tirés d'Heroes 2, ou un mode d'emploi pour faire exploser l'établissement. Mais on le faisait quand même, et on se prenait pour des dealers de haute voltige. Voilà où se situait notre niveau de désobéissance civile. On aurait peut-être dû y aller un peu plus fort que ça.

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