Heroes of Might and Magic IV
Autre Texte #1
L'adolescence Encore un peu Nostalgique

Type de jeu
Chant du cygne d'un studio aux idées légendaires, concrétisées en baroud d'honneur bordélique à souhait.
Date de sortie sur nos machines
Avril 2002, quelques mois après Disciples II, mais quelques mois avant Age of Mythology. Pourquoi pas, hein.
Développeur
New World Computing, Inc. dont on n'entendra plus jamais parler après sa disparition en même temps que 3DO, son éditeur et propriétaire.
éDITEUR
The 3DO Company, à peu près un an avant sa disparition. Ubisoft rachetant la marque HoMM, Take-Two Interactive récupérant Army Men.
Heroes of Might and Magic IV : disponible sur GOG.com en version complète, avec ses deux extensions. À noter que c'est le seul jeu de la licence à ne pas se trouver sur le site d'Ubisoft !
Youhou ! Le troisième millénaire a commencé ! Le futur tant fantasmé a remplacé le présent ! Avec lui ont débarqué les années lycée, les sorties le soir, le fear of missing out, les découvertes et déconvenues amoureuses… Et du côté du gaming alors ? Bah rien n'a changé. On n'allait pas s'arrêter de jouer sous prétexte qu'une nouvelle époque géologique démarrait. Autant, j'avais loupé plein de suites de plein de trucs merveilleux, du style C&C Tiberian Sun, Sonic 3 ou euh… War Wind 2 ? Autant le successeur de mon grand amour Heroes III, pas question de le laisser filer ! Avec mes deux potes Randall Geyser et Leyland Lampion, il fallait forcément qu’on teste. Et du coup… on a vécu une belle idylle avec ce jeu, soit en solo, soit à plusieurs en Hot Seat (à jouer chacun notre tour sur le même ordi, ça veut dire). Pendant un temps, on a même cru que cet opus dépassait le précédent. Ha Ha ! On a vite retrouvé la raison, hein. Je ne sais plus qui l'a acheté le premier. En tout cas, j'ai gardé la boîte et son CD-ROM un paquet d'années, jusqu'en 2024 je dirais. Comme quoi, j'ai quand même gardé un affect particulier pour cet étrange artefact virtuel.
Oui mais non

Les bonnes idées

Contrairement au III, qui paraphrase totalement le concept du II, le IV fait évoluer le gameplay sur pas mal de points. Et pour un bon paquet d’entre eux, ça fait plutôt plaisir ! Premier gros changement : les héros prennent directement part au combat ! Avant, ils restaient bien à l’abri en retrait, se contentant de jeter des sorts, lever le bras quand des troupes ennemies rendent l'âme, ou se vautrer dans des facepalms affligés quand la bataille tournait mal. Si l'on se sent un poil téméraire, on peut même pousser le délire à l'extrême, et se monter une armée de héros. Ouais, sans créatures du tout. Et si au début, ces personnages se font gifler par le moindre gobelin qui traîne, ils massacrent à peu près n’importe quoi par containers entiers en fin de partie. En plus, leur système d’évolution repensé leur permet de les spécialiser en classes avancées en fonction des aptitudes qu’ils choisissent !
Une sorte de couche supplémentaire trop classe à la progression du III. Allez, moi et ma passion pour les systèmes de progression alambiqués, vous nous avez conquis. Comme les héros intègrent les bastons, les créatures aussi ont voulu gagner en indépendance. Et voilà qu'on les croise au détour d'un bosquet, en train de se balader à travers le monde, sans personne pour les diriger. Le carte d’aventure se retrouve ainsi saturée de trolls, vampires et cyclopes en vadrouille. Cette carte, d’ailleurs. Sans déconner, elle me ferait presque oublier le pixel art indémodable d’Heroes III. Et aussi d'Heroes II en fait. Le style n'a pourtant plus rien à voir. Plus réaliste, plus en 3D, mais quand même remis en 2D dans la vue isométrique. Et bah, contre toute attente, ça m'a fait des petits papillons dans le ventre, dont certains sont encore fixés sur mon cœur aujourd'hui.


Le sol, les lacs, les rivières, regorgent de petits détails à admirer. Sans compter que maintenant, le terrain se vallonne et se creuse. Je ne sais pas pourquoi, j'ai trouvé ça ultra génial. Ça rend l'immersion encore plus forte, même si ça ne sert à rien d'autre, à part ralentir nos mouvements (je dis ça de mémoire, avec un potentiel de racontage de conneries de 83%). Un truc qui m’emmerdait au plus haut point dans les jeux précédents : devoir retourner chaque semaine dans chaque moulin à vent et chaque demeure de créature pour en récolter l’usufruit. Désormais, ces bâtiments visités une fois nous filent de l’or ou des ressources tous les lundis, tant que l’on en conserve la possession.
Concernant les bestioles, un système de caravane immatérielle permet de les acheminer dans les villes. Plus besoin de recruter un héros dont la seule mission consiste à faire la tournée des bâtisses du royaume. Désormais, on se focalise sur l'expansion de territoire et la baston. TF1 a popularisé le concept de temps de cerveau disponible pour la télé. New World Computing l'a fait pour les jeux vidéo. Merci. Un dernier mot pour la magie, qui ne se classe plus dans les quatre éléments classiques eau, feu, terre et air, mais par écoles chacune liées à un type de ville. Je trouve ça à la fois cool et pas forcément si pertinent que ça. Ça dépend surtout de mon humeur en tombant dans l'escalier le matin.

Multiples Red Flags

Si les développeurs s'étaient arrêtés là, en laissant le reste du gameplay intact, j'aurais peut-être bien adulé ce jeu pendant plusieurs décennies. Malheureusement, malgré le peu de temps dont ils disposaient pour coder leurs mécaniques, ils en ont fait un peu trop. En l’occurrence, le traitement réservé aux villes. Le truc qui a tout gâché pour moi. Déjà, il n’y en a plus que six (au lieu de neuf chez son cadet, non mais oh). Par ailleurs, les créatures se répartissent en quatre tiers (au lieu de sept chez son aïeul, et puis quoi encore), pour un total de huit par cité. Mais le PIRE RESTE À VENIR ! Car lorsque l’on construit le bâtiment qui permet le recrutement d’un monstre, cela supprime la possibilité de bâtir une autre demeure, et donc de posséder l’autre créature de niveau similaire. Qui a bien pu penser que c’était une bonne idée, sérieux ? En outre, beaucoup de créatures jurent complètement avec le décor de leur ville associée, ainsi qu’avec le reste de l’armée.
Dans la Nécropole, par exemple, on nous donne en gros le choix entre morts-vivants et démons. Résultat, si on se trimballe avec des squelettes et des spectres, ça va. Mais si on choisit de s'acoquiner avec les diablotins et les espèces de blobs cracheurs de poison, ça ne colle plus du tout ! Et la jolie harmonie graphique naissant de nos troupes bien organisées, elle est passée où ? Enfin, le couperet qui m'a achevé : on oublie les améliorations de nos unités chéries. On recrute des licornes, point. Plus possible de les upgrader en licornes de guerre ou quoi. Argh, nul, pourrave ! Quel genre d'hérétique choisirait le château Académie, pour se retrouver avec des dragons mécaniques dans ses rangs ? Sans pouvoir les upgrader en plus ? Et je ne parle même pas du dilemme infernal, obligeant à sacrifier les génies pour recruter des nagas, ou inversement.


Un vrai coup de poignard dans le dos de la Tour, le château similaire dans Heroes III, où évidemment on pouvait recruter ET les génies, ET les nagas. Autre sujet qui m'a de nombreuses fois retroussé les sourcils : le champ de bataille entièrement remodelé, mais sans doute par le même abruti qui a imaginé les bâtiments exclusifs, là. On déplace nos légions sur un écran de traviole pas ergonomique du tout, les animations bâclées font mal aux yeux et pour le coup, c’est beaucoup moins joli que sur la carte d’aventure.
Le seul truc qui fonctionne bien
La première fois que j'ai entendu la B.O., j'ai dit “Haaaeeuuh ouééé le retour des chanteurs et chanteuses lyriques… trop conteeeent hmmmpfff.” Sur le coup, la perspective de me réinfliger les vocalises burlesques comme à la belle époque d’Heroes II, ça m'a refroidi. Et puis je me suis rappelé qu'en fait, j'aimais trop ça. J'aimais trop aussi voir le schéma inventé par Paul Roméo, Rob King et Steve Baca se répéter encore dans ce jeu. À savoir des morceaux rythmés et un peu sinistres pendant la bagarre (pas mes préférés), des compositions mouvementées pendant qu'on se balade dans les villes (celles avec les solistes, là), et des mélopées incroyablement inspirées durant les phases d’exploration. Celles que je préférais, je crois que ça se voit. Là encore, la magie opère toujours aussi bien. Lorsque des accords d'une mélancolie de dingue rentraient dans mes oreilles en même temps que trois hydres en vadrouille se désaltéraient sur les rives d’une mare magique… rien que pour ça, Heroes IV aurait mérité de se vendre dix fois plus, et de sauver le studio de la banqueroute.
Poule aux œufs d'or partie trop tôt
On l’a su plus tard avec Randall et Leyland, mais les développeurs de chez NWC ont sorti ce jeu en mode gros rush, juste avant que leur éditeur 3DO, qui les possédait tout entier, ne fasse faillite. La licence Heroes of Might and Magic rapportait bien, tout comme celle d'Army Men, mais ça n'a pas suffi. Heroes IV n'a pas pu redresser la barre à lui tout seul sur la fin, malgré la sortie de deux extensions, miné par trop de décisions foireuses de la part des grands pontes (dont celle, il me semble, d'avoir voulu développer trop de jeux différents, trop vite, sur trop de plateformes). Je me demande encore comment ils ont réussi à couler leur boîte avec autant de potentiel entre leurs mains, mais après tout, je n'ai pas le centième d'un millimètre de leurs compétences... en CRÉTINERIE ! Avec le recul, on sent énormément que l'équipe a manqué de temps, ou d'argent, c'est pareil.

Je n'imagine pas la détresse d'employés investis dans le projet, obligés de bâcler le truc, et se faire virer quand même un an plus tard, en plus. Les villes en particulier, hurlent au contenu coupé en petits morceaux. Il n'existait pas non plus de mode multi au départ, finalement ajouté via l'un des CD additionnels. Plus on y jouait, et plus ces horribles défauts prenaient le pas sur ce qu'on aimait là-dedans. Ouais, même les musiques et ce charme si particulier qui se dégageait des jolis paysages. Et puis, notre Heroes III chéri continuait de nous faire coucou, en nous agitant sous le nez tous les super mods que la communauté créait dessus. Alors voilà, après une bonne trentaine de parties quand même sur le IV, on a vite repris nos marques en baissant d'un cran. Les années 90 n'allaient pas nous lâcher si facilement.